Des villes pour vivre, Yona Friedman

Dès les années 1950, Yona Friedman a développé une pensée visionnaire et radicale de l’architecture dont il a repensé le rôle de façon à mieux répondre aux besoins essentiels des habitants dans un contexte d’après-guerre marqué par de nombreuses crises immobilières, mais aussi politiques, économiques, démographiques, sociétales et environnementales.
Depuis une approche située à la croisée de l’urbanisme et de la sociologie, Yona Friedman défend le principe d’une « cité conçue par ses habitants » incarnée par les Villes spatiales.
Composées de modules amovibles et interchangeables, elles se déploient depuis un développement urbain vertical qui libère le sol. Accueillant logements, services, bâtiments publics, commerces, etc., les Villes spatiales sont amenées à évoluer selon les besoins des habitants.
Pensées et conçues depuis les principes de l’auto-planification et de l’auto-construction, elles redéfinissent aussi le rôle de l’architecte dont la mission consiste davantage à élaborer des diagnostics et à accompagner les choix et manières d’habiter. C’est aussi une esthétique nouvelle de la ville qui se dessine avec « un ensemble aléatoire résultant de tous les goûts particuliers de tous les habitants ».
Pour accompagner ces développements, Friedman propose un ensemble varié de formations, d’outils et de manuels. L’informatique y tient une place prépondérante, notamment avec le Flatwriter, la « machine à choisir » qui permet aux habitants d’adapter les logements à leurs attentes. Les manuels, réalisés sous la forme de bande-dessinée, participent de la diffusion et la démocratisation du programme.

À bien des égards, et même si au final il ne sera que peu déployé dans sa vision première, le projet de Yona Friedman annonce certaines démarches d’architecture dites « participatives » et reprises depuis plusieurs années déjà par des agences et collectifs conscients et convaincus de la nécessité de décisions partagées. Ce projet se fait surtout l’écho d’enjeux très contemporains, notamment s’agissant d’écologie, de démocratie, de justice sociale et même de politiques culturelles.
Certaines organisations proposées par Yona Friedman ont été reprises par l’UNESCO ou encore par l’Europe ; d’autres seraient difficilement applicables aujourd’hui et c’est aussi une relecture contemporaine de ce travail, mais aussi de ces « utopies réalisables » que propose cette exposition.
L’exposition présentée aux Turbulences réunira maquettes, dessins, manuels et installations de la collection du Frac Centre-Val de Loire, mais aussi du Frac Grand Large (où le fonds Friedman du CNEAI est mis en dépôt), du Frac Lorraine, du CNAP, Centre national des arts plastiques ainsi que le Fond Denise et Yona Friedman.
Elle sera organisée en quatre grandes sections :
- La ville évolutive
- La ville démocratique
- La ville écologique
- La ville culturelle qui présentera Le Musée sans bâtiment, installé dans la Galerie principale (Étage 2) et qui accueillera les propositions et créations d’associations, d’étudiants et de citoyens, sur invitation ou après un appel à projet public.
La scénographie, confiée à Morgan Fortems, est réalisée depuis les principes de réemploi chers à Yona Friedman et dont elle reprend totalement l’esprit du travail et des recherches. L’exposition favorisera également une approche sensible de ce travail avec l’accès aux manuels produits à partir de 1975, pour l’ONU, l’Union Européenne, le Ministère français de l’Environnement, ou encore par la représentation de dessins et graphes sur les murs.
Des rencontres associant des architectes, des chercheurs, des associations et des partenaires comme la Maison de l’Architecture et des Paysages Centre-Val de Loire, seront également organisées dans le cadre des « Nocturnes » du Frac.