Frida Escobedo

Estación #16, 2017-2018

Cette oeuvre monumentale a été réalisée à l'occasion de la Biennale d'Architecture d'Orléans 2017 et est installée depuis 2018 au Parc Floral d'Orléans-La Source. Frida Escobedo y sonde les ambigüités des promesses du modernisme architectural dans la construction de l’identité nationale mexicaine. Elle s’intéresse au projet de La Ruta de la Amistad [La Route de l’Amitié], programme de vingt-deux commandes publiques confié à des sculpteurs internationaux et conduit par l’artiste Mathias Goeritz et Pedro Ramírez Vázquez en 1968, à l’occasion des Jeux olympiques d’Été de Mexico. Frida Escobedo revisite la sculpture d’Olivier Seguin, seizième étape du parcours. L’installation monumentale en acier soudé reprend la forme de l’armature métallique de l’œuvre historique. Révélant le processus d’élaboration du projet, la structure témoigne d’une filiation monumentale de l’utopie moderne, de Tatlin à Constant, traitée comme une « ruine à l’envers » (R. Smithson, 1967) : l’élévation d’un bâtiment en ruine avant même son achèvement. La Ruta de la Amistad constitue pour l’architecte un point de basculement historique où l’espérance rencontre la fin des utopies : « La polémique suscitée par le projet de la Route de l’Amitié porta essentiellement sur la confrontation entre figuratif et abstrait. Au cours des années ayant suivi la révolution mexicaine, le mouvement muraliste avait véhiculé des messages à caractère social et politique contribuant à la réunification du pays sous le gouvernement postrévolutionnaire. À partir de la guerre froide en revanche, l’art non figuratif est devenu la forme de représentation culturelle privilégiée de l’État mexicain. Les sculptures monumentales et colorées donnèrent idéalement l’image d’une nation cosmopolite et moderne, sans avoir à verser dans un nationalisme ou un provincialisme esthétique explicite. Pourtant, une série de photographies prises lors de la période de construction de ces oeuvres vient révéler la nature contradictoire du projet culturel de l’époque. L’échafaudage se fond avec la structure interne, et révèle la dépendance du monumental (le collectif) à l’égard du précaire (l’individu). Cette oeuvre met à jour cette dualité, au travers d’un redimensionnement et d’un déshabillage de l’oeuvre Estación#16 d’Olivier Seguin, contribution française à la Route de l’Amitié. Cette structure vide évoque le processus de construction, mais attire également l’attention sur un inachèvement intrinsèque – qui en fait une ruine à l’envers. Le travail répétitif d’assemblage et de démontage de l’échafaudage devient une métaphore de l’instant précis où un bâtiment atteint son plein potentiel, à savoir juste avant de se délabrer (…) Estación#16 devient dès lors un squelette ouvert, une provocation incitant à l’appropriation et à la réaffectation. Elle incarne également les conflits et les contradictions d’un moment de l’histoire où l’on dissimula une turbulence politique sous le masque d’un progrès et d’une harmonie apparents. La structure nue reflète ce point critique, auquel non seulement l’objet, mais aussi le discours utopique de modernisation commencèrent à se démêler. » (Frida Escobedo)

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