Nigel Coates

Gamma Tokyo, 1985

Lors de l’exposition Gamma City présentée à la Air Gallery de Londres en 1984, Nigel Coates et NATO livrent une vision néo-situationniste de la ville, plaidant pour l’émergence d’une condition urbaine mutante et mouvante, soumise en permanence au changement et à l’action de ses composants : « Gamma City n’est pas un style mais une attitude politique, sociale et esthétique fondée sur des signes et des processus de brouillage. L’échange est un acte fondamental en architecture, et son espace est la rue. Les rues Gamma sont à la fois habitation, commerce, usine, bar, recyclant d’anciennes images pour de nouveaux usages... ». Invité à collaborer à la même époque au Japon avec l’entrepreneur Shi Yu Chen, Nigel Coates découvre à Tokyo le modèle absolu de la ville gamma : « Elle est le fruit de récupérations abusives, de distorsions, d’interstices et de hasards. Non pas comme à Londres, en raison d’une dégradation collective, mais parce que travaillée et maintenue comme un tout par la vie ». En 1985, le magazine Brutus lui propose de livrer sa propre vision de la capitale nippone. Comme pour les toiles néo-expressionnistes présentées lors de Gamma City, Gamma Tokyo donne à voir un paysage urbain devenu un véritable maelström, où corps, objets, nouvelles technologies et architecture fusionnent dans un même mouvement sensuel et entropique. Saturée de signes et de références, l’œuvre montre un appartement tokyoïte dans lequel se trouvent certains objets conçus par l’architecte et présentés lors de l’exposition londonienne, comme la Footman TV et l’étagère Wombat. Un pan de mur entier semble manquer, ouvrant l’intérieur de la pièce sur la ville, qui lui inocule en retour son chaos et son rythme effréné. Tant l’intérieur que l’extérieur de l’appartement paraissent envahis par les nouveaux systèmes de communication (téléphone sans fil, fax, télévision, antenne satellite, CD) et la publicité (Pampers, écrans géants). Les moyens de transports occupent jusqu’au ciel de Tokyo (avion, autoroutes sur plusieurs niveaux) dans lequel se distingue, sous les volutes nuageuses, l’image d’un homme se dénudant.

Gilles Rion

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