Jozef Jankovic

Intérieurs, 1972-1972

Des espaces répressifs

En 1972, Jozef Jankovič réalise une première série de projets architecturaux dystopiques. Dessinées à l’encre noire sur papier blanc, quatre vues d’intérieurs fermés suggèrent une atmosphère d’oppression. Ces intérieurs sont meublés d’éléments évoquant des environnements minimalistes : d’une part, des banquettes en forme de longs box ; d’autre part, une structure cubique dont les contours sont stylisés en fil de fer barbelé et dans laquelle on observe un livre et un sol mouvant équipé d’un système de releveurs hydrauliques pouvant varier sa hauteur. Un système d’ampoules et de haut-parleurs sert à aveugler et à déstabiliser les visiteurs potentiels. La série présente des lieux d’isolement, de tortures et d’interrogatoires, des cellules de prison ou des salles d’attente dans des bâtiments d’une administration publique bureaucratisée, où les citoyens seraient réduits à des numéros. Chaque chambre contient un panneau sur lequel figurent des instructions stipulant comment procéder avec les visiteurs. Il s’agit de figer leurs corps, de les soumettre à un processus de « consolidation » à l’aide d’« un amalgame de toutes les idéologies possibles», d’empêcher la concentration, d’interroger, de « récolter des informations », et de provoquer « un sentiment d’instabilité absolue et d’incertitude psychique ».[1] 

La série se réfère d’une manière ironique au commencement, en 1972, du processus de normalisation en Tchécoslovaquie, lequel processus supposait un retour au style de gouvernement de l’époque stalinienne. Elle illustre le comportement du pouvoir tchécoslovaque entendant augmenter le contrôle sur les citoyens. Ce système de contrôle rappelle celui décrit par Michel Foucault : les espaces où l’on exerce le pouvoir ont un caractère impersonnel et mécanisé, ce qui rend le pouvoir lui-même inhumain et invisible.

[1] D’après les textes de Jozef Jankovič intégrés à ses dessins.

Katarzyna Cytlak

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