Dan Graham

Houses, 1966-1976

En 1965, Dan Graham entame une série de photographies de cités pavillonnaires de la banlieue new-yorkaise, plus précisément de Bayonne dans le New Jersey et de Staten Island dans l'état de New York. L'œuvre-article Homes for America constitue le commentaire de ces images que Graham avait, à l'origine, l'intention de faire paraître dans un magazine grand public et qui seront finalement publiées dans le numéro de décembre/janvier 1966/67 d'Arts Magazine. Comme l’explique Dan Graham en 1969, « il y avait le désir de contourner le système de la galerie pour proposer un mode d’appréhension direct, prêt à consommer sur place », « de l’art directement "informé" par les supports d’information ». L'ensemble des photographies – une quinzaine – fut néanmoins réduit dans le double page imprimé afin de laisser place au texte. Dans cette œuvre complexe que l'artiste a lui-même qualifiée d'« hybride », « entre l'auto-référence abstraite et l'information anthropologique ou sociologique », Graham s'attache aux idéaux et aux travers d'une société et identifie, comme nombre de ses travaux, architecture et usage social. Associant des textes philosophiques sur l’espace urbain, la maison, la famille... à des photographies qui insistent sur le caractère uniforme des habitats, dans une mise en page qu’il qualifie de « quadrillage perspectif bidimensionnel », Dan Graham travaille sur ce « passage "visuel" d’un ordre sériel à l’autre – graphique, puis photographique, puis linguistique, puis "abstrait" ». Dans les œuvres acquises par le FRAC Centre, Dan Graham a superposé deux photographies tirées de la série (sauf New Housing Project, de 1976), sorte de version hybride entre une œuvre (simple photographie encadrée et légendée) et un article. Il y joue des oppositions et analogies entre photographies pour critiquer le monde pavillonnaire. Ainsi, dans Housing Row, Bayonne / Trucks, New York, la monotonie des camions renvoie à celle des pavillons, alignés et bâtis sur le même modèle, et dénonce le développement d’une banlieue uniforme et standardisée. Dans la seconde, l’artiste soulève la question du « goût » : la chambre du pavillon-témoin, avec ses tableaux d’ancêtres factices et ses meubles en faux ancien, peut-il correspondre au goût de personnes réelles, ces mêmes qui acquièrent les pavillons en série du dessus ? N’est-on pas face à des maisons sans âme ?

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