Patrick Bouchain

Le Lieu Unique, Nantes, 1998-2000

Avec Jean Blaise et Nicole Concordet

L’usine s’appelait LU, pour Lefèvre-Utile. La première idée fut donc d’appeler cet endroit le Lieu utile, mais Jean Blaise a préféré le Lieu unique, au sens d’exceptionnel.

« L’architecture contemporaine n’exprime ni la diversité du monde ni la discordance de la société, elle ne fait qu’appliquer un modèle dominant déconnecté du réel. L’acte de construire étant un acte culturel, le chantier doit permettre l’expression du savoir-faire des arts et métiers… Capitale du commerce triangulaire au XVIIIe siècle, Nantes devait commémorer en 1998 les 150 ans de l’abolition de l’esclavage (1848). Les travaux de reconversion de cette ancienne biscuiterie en lieu culturel allaient commencer. Il fut décidé que le chantier mettrait en scène le travail de l’immigration. On montrerait l’acte constructif et la main d’œuvre venant majoritairement des pays colonisés. Le céramiste Camille Virot avait ramené d’Afrique un inventaire de savoir-faire : des forgerons recyclant le métal, des fabricants de pirogue débitant des arbres, des femmes peignant des bogolans avec une peinture à base de terre… Intégrer ce travail au projet aiderait à démontrer que tout ce qui nous entoure est fait à la main. Pour intégrer ces objets (au plafond acoustique et aux murs du théâtre, aux lambris du restaurant), il fallut les qualifier d’ « œuvres d’art ». Nous avions récupéré des chutes de bidons imprégnés de cyanure que l'Europe jette en Afrique, où ils servent souvent de bureau d’écolier. Comme on n’analyse jamais la toxicité d'une œuvre d'art, ces bidons ont pu être réacheminés vers l’Europe. Le théâtre du Lieu unique est donc l'expression du gâchis de la société actuelle…Un des murs extérieurs du bâtiment, fait de tôle et de verre, recèle un empilement de boîtes scellées. C’est le Grenier du Siècle, collection d’objets représentatifs du siècle passé, constituée lors du passage à l’an 2000 par plusieurs milliers de nantais venus déposés ce qu’ils jugeaient utiles d’être redécouvert dans cent ans… » (Patrick Bouchain)

partager sur ou