Édito

avril - août 2019

À l’heure où s’écrit ce programme, un soulèvement, de l’autre côté de la Méditerranée, redessine les contours de la relation à ce point complexe entre le politique et l’esthétique. Aucune œuvre, aucune exposition, pas plus qu’une biennale, n’a le courage ou la puissance d’un soulèvement. Ce que nous faisons est tout au plus un réveil en pleine nuit pour sortir un instant du cauchemar.

Alors nous avons, avec trois titres – La vie après l’architecture, Un instant avant le monde, et nos années de solitudes –, tenté d’aller au réel comme on va à son premier rendez-vous amoureux : le ventre noué, la marche incertaine et l’âme envahie par le désir de plonger à la beauté de l’autre et prendre le risque de s’y perdre.

Le constat est accablant : la Culture est devenue un divertissement, un outil d’attractivité, les œuvres sont soumises au « maintenant », il faut prendre du plaisir vite et passer à autre chose. Le public quant à lui est accablé de poncifs : « ils ne comprendraient pas », entendons-nous. « Ce que vous faites est trop compliqué pour “eux” » , nous disent-ils. Un « eux » anonyme et méprisant comme l’est cet autre dénomination : « grand public », un peuple dont personne ne veut dire le nom.

Au Frac Centre-Val de Loire, nous parlons aux peuples et, à notre échelle, nous poursuivons le rêve d’être un jour un soulèvement. C’est parce que nous vous respectons, cher public, que nos expositions ne cèdent pas à la mode du prêt à-penser, c’est parce que nous admirons les peuples et les œuvres que nous vous invitons au plus profond d’une idée. L’art est ce qui précède et ce qui advient. Et vous, regardeurs,visiteurs, flâneurs, êtes l’incarnation des œuvres au présent. Il faut être à la hauteur des idées qui se nichent dans chaque rencontre et avoir le courage de les emmener à l’affrontement du réel.

Mon rêve est de voir le Frac envahi par les idées et sa collection étalée à l’échelle de tout le territoire. À vrai dire, la seule exposition qui resterait à faire serait des Turbulences vides pour y accueillir les hurlements du dehors. Les œuvres, elles, auraient entre temps trouvé l’hospitalité là où l’accueil est encore possible.

En attendant ce rêve, nous essayons d’accueillir ce qui vient à nous. Le printemps commence par le cimetière des architectes (Istogrammi, œuvre de Superstudio), le suicide nécessaire de la bien-pensance. Au premier étage nous disons bye bye à l’Utopie, devenue le faire-valoir des lâchetés politiques à travers le monde. En écoutant les hurlements d’espoir et les cris de liberté.

Abdelkader Damani


Y a-t-il une vie après …l’architecture ?