Les trois maquettes de « cabane primitive », aboutissement d’une réflexion amorcée en 1986, sont particulièrement significatives de la manière dont Wes Jones articule, dans son travail, affirmation d’un registre esthétique et positionnement critique. Les variations sur le thème classique de l’abri des premiers hommes, symbole de la tradition vitruvienne et du mythe d’une origine « naturelle » de l’architecture, ont valeur de déclaration paradigmatique. Face à la représentation rationnelle de l’abri et de sa construction élémentaire, ces cabanes suggèrent la logique d’un primitivisme issu de la modernité technologique, et leurs appareillages permettent de déployer les éléments du vocabulaire de la mécanique architectonique de Wes Jones : systèmes d’appui d’une architecture simplement posée sur le sol, en opposition à la tradition naturaliste de l’enracinement ; rampes d’accès renvoyant à des formes véhiculaires, à des situations de transit éloignées des images sédentaires ; dispositifs de protection articulés évoquant des forces mécaniques démesurées... Cette déclaration d’intention est donc un commentaire sur la notion même d’abri et sur ses variations dans la tradition novatrice de l’architecture moderne (depuis les cellules réduites des logements pour le « minimum vital » des années 1920, jusqu’aux capsules des années 1960). Cette reprise du mythe fondateur renvoie ainsi à une réflexion sur le statut du corps/habitant : si la cabane primitive et son origine naturelle constituent une des principales figures classiques de la liaison entre le corps et l’architecture, Wes Jones suggère la formation d’autres échelles de mesure.

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