feminist architecture collaborative

Drapeaux de la deuxième édition de la Biennale d'Architecture d'Orléans, 2019

Al majhoola min al-ard [L’étrangère sur Terre]

La citoyenneté est un seuil construit et érigé entre la protection et le déni des droits.
Sa réduction à l’état légal entre le corps et le territoire élude l’expérience complexe, genrée et racialisée souvent corrélative d’une suspension de citoyenneté. Dans la mesure où le drapeau – une icône à la fois du territoire et de l’identité – préserve l’abstraction de la nation, l’appartenance d’un individu à cette dernière est imaginée comme une relation binaire : « appartient » ou « n’appartient pas ». L’appareil étatique ne reconnaît pas toujours ses sujets du côté approprié d’un vecteur projeté sur le sable. L’appartenance est un motif subjectif qui se porte sur le corps de multiples façons.

Dans les textures variées de la non-citoyenneté, les femmes sont particulièrement vulnérables à l’exception et à l’expulsion. Dans 14 des 22 États-nations de la Ligue arabe, la subjectivation de la personne citoyenne nationale est une affaire de sang, qui dépend de la bonne circulation du sang paternel au détriment des droits maternels. En Lybie, au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Irak, au Koweït, en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Qatar, au Bahreïn, en Mauritanie, à Oman, en Somalie et au Soudan, le jus sanguinis (« le droit du sang » par opposition au « droit du sol », jus soli) exclut toujours les femmes de la transmission de la citoyenneté en dotant uniquement les lignées patrilinéaires du pouvoir de l’octroyer.

S’appuyant sur les images existantes des femmes libanaises qui ont donné leur sang pour protester contre les lois de la nationalité du genre à Beyrouth en 2011, notre contribution à Al majhoola min al-ard – « celle qui a disparu de la terre » – interroge la constitution charnelle de l’identité et les refus successifs d’incorporer le sang des femmes au jus sanguinis. Nous restituons plutôt le corps des femmes à leurs attaches diffuses à la terre, à l’État, à la famille ainsi qu’à elles-mêmes comme une démonstration matérielle d’appartenance que l’on rencontre inévitablement dans la rue.

Un drapeau dédié aux enfants des femmes jordaniennes, aux personnes qui vivent sous une tutelle évolutive, aux Bidounes et autres « sans ». Nous travaillons à une représentation qui ouvre les pages des documents qui ne passent pas, qui tourne un regard sur un droit de garde refusé, qui s’agrippe avec des griffes manucurées à un corps politique arabe qui dévore sans hésiter le corps des femmes. Nous revendiquons la subjectivité politique de la femme arabe face aux postures restrictives qu’elle doit assumer sous l’exclusion nationale et le contrôle patriarcal.
Ce sont ici les membres inextricables de leur corps.

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