Allan Sekula

School Is a Factory, 1978-1980

Dans School is a factory (« L’école est une usine »), Allan Sekula en réfère à l’une de ses propres expériences : dans un Community College de la Californie du Sud, de 1976 à 1979, il donne des cours du soir sur l’histoire de la photographie. Cette œuvre, qui alterne des photos en noir et blanc, des textes et des panneaux graphiques, questionne de l’intérieur non seulement l’enseignement de la photographie mais aussi l’enseignement plus général dans ces écoles, qui n’offrent en réalité qu’une formation sommaire ne débouchant que rarement sur un emploi. Discours sociologico-politique de résistance et d’opposition au système capitaliste américain, Sekula désigne la normativité de l’école dont la fonction est de formater les êtres pour qu’ils acceptent leurs conditions et intègrent le système social tel qu’il est. La première image/photomontage en est la parfaite expression : sur fond de paysage déshumanisé, des mains d’homme brandissent une maquette d’école posée sur un entonnoir rempli de figurines qui, une à une, moulée à l’identique, se coulera dans la masse. Loin d’être une voie de libération égalitaire comme elle le laisse croire, l’école est en réalité un lieu de reproduction et de sélection ségrégative fortement hiérarchisée en fonction de l’appartenance de classe, de sexe ou de race, n’admettant que trop peu la mobilité sociale. Aux antipodes des images lénifiantes ornant les brochures promotionnelles des universités, ces photographies révèlent un environnement rationalisé, bureaucratique, mensonger, monstrueux, qui ne rend que plus pathétique le sort de ces personnes. La séquence narrative alterne schémas, textes et images qui déploient toute une stratégie de marquage du temps et interroge le statut de la narration, entre relevé documentaire et construction formelle.

Nadine Labedade

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