Peter Eisenman

Guardiola House, Santa Maria del Mar, 1986-1988

Située sur un terrain en pente dans la baie de Cadix à Santa Maria del Mar en Espagne, la Guardiola House résulte d’opérations de déplacements et superpositions d’une figure géométrique de base, le cube, et évoque, comme pourrait le faire la vague sur le sable, la trace laissée par la décomposition du mouvement de ce volume chutant le long d’une pente. Les empreintes ainsi « enregistrées » articulent de maintes façons une figure paradigmatique, celle d’un L inclinée jusqu'à 8°. Dans ses diagrammes conceptuels, Eisenman effectue des opérations de rotations dans toutes les directions, de déplacement, de superposition, de décalage qui, tour à tour, déposent leurs traces en une décomposition plus qu’une déconstruction de la forme. La superposition des empreintes engendre maintes relations possibles entre solide et vide, trace, présence et absence. Les trois maquettes du projet témoignent de l’absence de signes évoquant traditionnellement la maison. Au contraire, le déséquilibre, l’ambiguïté et la complexité des espaces, ni intérieurs ni extérieurs, manifestent un conflit entre l’attente fonctionnelle des espaces et l’autonomie de la forme. Tout cela est renforcé par l’étagement complexe de la maison, la multiplicité des points de vue offerts qui génèrent une désorientation, une perception fragmentée et non globalisante de l’espace. La plupart des lieux de vie y sont en porte-à-faux au-dessus du vide, des murs opaques entravent la vue magnifique sur la mer, des fenêtres dans les planchers contraignent les habitudes des usagers, le sol ne semble jamais être placé là où il devrait être, c’est-à-dire sous nos pieds ; il flotte, suspendu dans l’air, établissant une confusion sol/plafond. Cette maison témoigne de la recherche de Peter Eisenman d’une architecture qui ne fait référence qu’à ses propres caractéristiques et qui n’a d’autre signification que le processus qui l’a générée.

Nadine Labedade

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