Bas Princen

Artificial Sand Dune (Birdwatchers), 2001

Dans la série Artificial Arcadia, Princen scrute avec minutie les mutations du paysage hollandais. En écho aux analyses des « Smarts Mobs » de Howard Rheingold, qui étudie le phénomène de constitution de nouvelles communautés virtuelles à l’aide des technologies sans fil, Princen photographie des groupes qui se sont formés par un contact uniquement virtuel. Dans ces photographies d’apparence banale, ce n'est pas tant ce qui se passe qui importe que la façon dont les personnes se sont regroupées. Le photographe se fait ici sociologue ou anthropologue de nouvelles communautés qui n’auraient aucune existence sans les technologies actuelles. Ces nouvelles communautés nées de contacts virtuels, en s’incarnant dans un contexte physique, vont à leur tour transformer le paysage dans sa matérialité et son impact culturel, donnant lieu à de nouvelles « architectures humaines virtuelles », à de nouvelles géographies sociales et politiques. Princen parcourt ainsi les Pays-Bas en observant de petits groupes de gens, dont le voisinage ou les intérêts communs leur ont permis de se rencontrer et de se retrouver ensemble en des lieux parfois temporairement abandonnés, souvent en périphérie de la ville : vieilles carrières, secteurs militaires délaissés, décharges de sable ou emplacements de remblais… Ainsi, dans une photographie, des ornithologues se retrouvent sur une côte hollandaise pour photographier un Silvia Undata, espèce rare d’oiseau échoué par un orage. Cette situation est rendue possible par des gizmos selon l’expression du critique Reyner Banham, reprise par Bart Lootsma, c’est-à-dire des gadgets qui définissent un comportement et un usage du monde particuliers : armés de téléobjectifs et d’un équipement sophistiqué, les ornithologues visent un sujet invisible au spectateur de la photographie, resserrant ainsi l’intrigue et le questionnement sur la nature de cette réunion. Ces spécialistes se sont en fait retrouvés à l’aide de SMS envoyés par celui qui a découvert l’espèce rare et leur a ainsi permis de se rejoindre rapidement. Les équipements et systèmes de communication qui entourent l’individu créent ainsi le paysage et transforment sa perception à notre insu. D’autres communautés – pêcheurs, rockers, surfers, trialistes, joueurs de golf, de paintball, amateurs de cerfs-volants – se créent de la sorte autour d’objets et de pratiques rituels, investissant les espaces d’un sens nouveau.

Nadine Labedade

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