La construction de Raspail et Lénine en 1968 et 1970 par Gailhoustet forme le premier jalon de l’ambitieux programme de rénovation du centre-ville d’Ivry-sur-Seine mené par l’Office Public de HLM. L’insertion de tours dans un tissu principalement constitué de petits immeubles de faubourgs, destinés à être démolis, prouve la grandeur du projet : le logement social est hissé au rang de monument, à l’instar de la barre Maurice Thorez située à proximité et bâtie après-guerre. Implantés face mairie, d’une centaine de logements chacun, les édifices de Gailhoustet se démarquent des réalisations précédentes de l’Office, dont l’écriture reste proche des HBM parisiennes. L’architecte emprunte davantage à l’Unité d’Habitation de Marseille (Le Corbusier, 1953), elle-même issue de l’immeuble Narkomfin de Moscou (Guinzburg, Milinis, 1929). La tour Raspail est la plus aboutie. Outre des commerces implantés en pied, les appartements s’accompagnent de services communs insérés dans les étages : une buanderie, des ateliers pour enfants – deux fonctions aujourd’hui disparues – ainsi qu’une terrasse sommitale réinventent la « Dom-Kommuna » soviétique. L’empilement des logements induit par les 18 étages est atténué par leur organisation en duplex. Gailhoustet s’appuie sur les prospectives de l’équipe Candilis/Josic/Woods, notamment l’immeuble de semi-duplex (1952). Mais chez elle, il ne s’agit pas de répéter une « cellule », la tour devant loger plusieurs types d’appartements. Leur conception nécessite un ingénieux travail d’imbrication en coupe. Alors inédit en France dans l’habitat collectif, le semi-duplex offre à Raspail la possibilité d’ouvrir les espaces du séjour et de la cuisine sur ceux de l’entrée et du palier des chambres. Prolongé de loggia, l’appartement n’est plus une succession de pièces mais un volume traversé de lumière, où se déploient maintes perspectives.
Bénédicte Chaljub