A l’instar des opérations Raspail et Lénine, l’ensemble Spinoza s’inscrit dans le plan masse de tours et de barres prévu pour le centre-ville d’Ivry-sur-Seine que Gailhoustet dessine en 1962 chez l’architecte Roland Dubrulle. Conçu dès 1967, livré en 1972, il réactive plus explicitement encore dans ses formes le modèle de l’Unité d’Habitation de Marseille de Le Corbusier, une référence majeure pour les architectes de cette génération. L’édifice en béton brut sur pilotis comporte 80 logements sociaux en duplex, un foyer de jeunes travailleurs, distribués par des rues intérieures et accompagnés de services collectifs ; une crèche départementale en occupe la toiture. Gailhoustet souhaite une mixité programmatique sans pour autant reproduire la figure du paquebot isolé de l’Unité. Son bâtiment est hybride. Il est fragmenté en trois barres reliées par le noyau des circulations verticales, positionnées le long des cheminements publics. Les locaux d’activités, les ateliers, le centre médico-psycho-pédagogique ainsi que la bibliothèque enfantine – aujourd’hui malheureusement grandement dénaturée – sont implantés en rez-de-chaussée. Le dessin de ces deux équipements municipaux tranche nettement avec celui de l’édifice sur pilotis sous lequel ils se glissent. Structurellement indépendants, ils sont composés d’éléments modulaires pouvant s’adapter et s’agrandir selon les besoins. Leur entrée s’opère dans l’espace public dégagé par l’impressionnante structure en béton. Par un dessin particulièrement soigné de ses composantes en arc, devenant parfois bancs, l’architecte invite les habitants à s’approprier ce passage couvert distributif. Très souvent occupé par les enfants, il illustre le principe inédit des « promenées » piétonnes proposées simultanément par Jean Renaudie dans l’immeuble à terrasses Casanova, et ensuite généralisé à l’ensemble du centre-ville.
Bénédicte Chaljub